Le sokshing, une sacrée « colonne vertébrale » !
Au centre du stoupa, parmi les substances sacrées, les reliques et les rouleaux de mantras, se dressera un élément primordial : le sokshing. Le terme tibétain sokshing, que l’on traduit « arbre de vie », désigne un tronc sculpté dont l’élaboration est très codifiée et ritualisée. Il est généralement placé verticalement au centre des statues et des stoupas, à la manière d’une colonne vertébrale. Comme tout élément dans le bouddhisme tibétain, il a une valeur sacrée et donc symbolique : il est en lien avec les dix connaissances (1).
Pour le sokshing du stoupa qui abritera les reliques de Shamar Rinpoché, c’est un cyprès du jardin de la « maison des lamas » de Dhagpo qui a été choisi. Avant que l’arbre ne soit abattu à l’automne dernier (à une date qui ne devait bien sûr rien au hasard), une pratique a été accomplie afin de demander la permission d’agir en ce sens aux habitants des lieux (tout particulièrement ceux qui vivent dans les mondes souterrains) – une marque de respect indispensable. Puis, le tronc a été ébranché et écorcé avant d’être mis à sécher pendant plusieurs mois.
↑ Alain en plein travail de sculpture
Sur chaque face du sokshing, des petites niches ont été creusées afin de recevoir des offrandes : des pilules sacrées et des mantras relatifs au corps (au niveau supérieur de l’« arbre de vie »), à la parole (au niveau médian) et à l’esprit (au niveau inférieur) des bouddhas. L’espace restant a été comblé avec du safran et de la poudre d’encens avant que des couvercles ne viennent sceller définitivement ces « coffrets ».
Le sokshing a par la suite été safrané, puis peint en rouge pour la partie « pilier » ; en blanc pour le petit stoupa ; et des cinq couleurs représentant les cinq sagesses pour le demi-dorjé. Traditionnellement, des syllabes germes (des corps, parole, esprit, qualités et activité des bouddhas) ainsi que des mantras courent le long du sokshing : c’est à l’encre dorée et à la poudre d’or qu’ils ont été écrits, les cinq couleurs venant également auréoler chaque syllabe germe. On trouvera donc, sur l’« arbre de vie », les cinq dharanis (partie supérieure) (3), des prières de sojong des cinq bouddhas (au centre) (4) et des souhaits de bon augure, appelés tashi en tibétain.
↑ Lama Jampa trace les textes sacrés à l’encre dorée
↑ Lama Jampa et Sylvestre à l’œuvre pour apposer la poudre d’or
Pour finir, le sokshing a été enveloppé d’un tissu couleur safran et, à la façon des rouleaux de mantras, entouré de rubans des cinq couleurs. Il est à présent terminé et attend son heure dans le fonds documentaire de la bibliothèque de Dhagpo. Au moment de la construction du stoupa, l’espace central sera laissé libre pour l’accueillir : cette « colonne vertébrale » sacrée sera ainsi le dernier élément inséré dans le monument reliquaire. Tout comme en juillet 2015, quand le sokshing du Bouddha de l’Institut avait été installé après toutes les autres substances, et par le Gyalwa Karmapa lui-même qui plus est !
Notes – ↑ haut de l’article
(1) Les dix connaissances sont celles des phénomènes, de l’esprit, des enchaînements, de l’illusion, du mal-être, de son origine, de sa cessation, du chemin qui y conduit, de l’épuisement et de la non-apparition.
(2) Kashyapa est le bouddha qui a précédé Shakyamuni, notre bouddha historique.
(3) Pour rappel : une dharani est un long mantra qui résume un enseignement du Bouddha ; les cinq grandes dharanis proviennent directement du bouddha Shakyamuni.
(4) « Prières de sojong » : il s’agit de vœux appartenant aux engagements de libération individuelle pris pour une durée de vingt-quatre heures, de l’aube à l’aube du jour suivant. Ils peuvent être observés par des pratiquants monastiques ou laïques. Huit préceptes sont à respecter : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas mentir, ne pas avoir de rapports sexuels, ne pas absorber d’intoxiquants, ne pas manger après le repas de midi, ne pas s’asseoir sur des sièges trop élevés, ne pas se parer (de bijoux, maquillage, parfum, etc.).